En 1998, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre, dans Bulles, publication de l’UNADFI, paraissait un portrait édifiant de la réalité des droits de l’enfant au sein des sectes, réalité toujours d’actualité dans des contextes différents, comment les sectes portent-elles atteintes aux Droits de l’Enfant?
http://ns4005993.ip-192-99-13.net/enfant11.htm
En 2014, seize
ans plus tard, nous célébrons les vingt-cinq ans de la Convention des Droits de l’Enfant, adoptée le 20 novembre 1989, http://www.humanium.org/fr/convention/texte-integral-convention-internationale-relative-droits-enfant-1989/
Toutefois, la situation des enfants, cibles privilégiées des sectes, réduits au silence et à l’esclavage physique, psychologique, affectif et spirituel, demeure méconnue et taboue.
Je regarde mon fils grandir, toujours aussi étonnée des différences, des plus simples au plus complexes, qui existent entre l’éducation qui a été la mienne, hors du monde, et celle que, malgré mon manque de repères et les traumatismes psychologiques et physiques qui auraient du ne jamais me permettre de devenir parent à mon tour, je m’efforce de lui donner, dans le monde.
Il m’apprend ce que vivre dans le monde signifie.
Enfant de Jéhovah, j’ai appris que Jéhovah était plus important que Tout, que je devais lui consacrer ma vie. À six ans, je proclamais que j’étais prête à mourir pour lui et, le cas échéant, à refuser toute transfusion sanguine. Au même âge, mon fils me demande ce que c’est que d’être mort avec une innocence déconcertante.
À six ans, j’étais terrorisée par Satan censé gouverner le monde et craignais en faisant la moindre bêtise, d’être détruite. Au même âge, mon fils a peur d’être puni et de ne pas pouvoir regarder son dessin animé préféré.
À six ans, je croyais que la vie ici-bas ne valait rien et qu’ Harmaguédon détruirait bientôt les méchants. Je vivais dans l’attente de la fin du monde et l’espérance du Paradis promis.
Au même âge, mon fils se croit immortel et que le Père Noël va bientôt lui apporter de merveilleux cadeaux comme chaque année. Il sait que personne n’est parfait et que tout le monde a le droit au respect et à une vie décente ici-bas.
À six ans, j’apprenais à tendre l’autre joue, à supporter la persécution inévitable, les privations et les humiliations. Mon corps était un ennemi que je devais contrôler par la prière, l’étude et la prédication. Au même âge, mon fils apprend que toute vie est précieuse. Il apprend également le judo, la voie de la souplesse.
À six ans, je devais éviter de fréquenter mes camarades de classe et priais pour qu’ils connaissent la Vérité et soient sauvés même ceux qui se moquaient de moi. J’apprenais que l’école appartenait à ce système de choses, gouverné par Satan, dont la fin avait commencé en 1914 et que nous étions les soldats de Jéhovah dans cette guerre théocratique qui s’achèverait par la fin du monde mauvais comprenant tous ceux qui ont rejeté Jéhovah. Au même âge, mon fils aime aller à l’école, jouer avec ses copains et se demande qui inviter à son prochain anniversaire.
À six ans, je faisais partie d’une grande famille dont chaque membre doit penser, parler, ressentir et agir de la même façon. Ma vie était tracée, je n’avais d’autre choix que de devenir témoin de Jéhovah, d’épouser dès la majorité un témoin de Jéhovah et de faire des enfants témoins de Jéhovah, obéissant à Jéhovah. Au même âge, mon fils joue et apprend à être un élève comme un autre, il n’est pas vraiment obéissant, notre famille est loin d’être parfaite mais il sait qu’il est unique, qu’il est libre et que sa vie lui appartient.
Enfant je n’avais aucun droit ni même celui de vivre, à part pour Jéhovah. L’enfance est impossible dans cette organisation qui utilise les enfants comme faire-valoir, boucs-émissaires et serviteurs dans la prédication, incapable de les protéger et de les élever dans le vrai sens du terme.