Sans histoire

Croyances de la fin du monde
Fin des espérances en l’avenir
Héritage d’une généalogie moribonde
Où l’ignorance maîtrise le souvenir

Maints ancêtres ont perdu leur vie
Dans des guerres fratricides
Mais, de la terre pacifiée leurs fils n’ont rien appris
Qui s’entêtent à prolonger le déicide

Ils écrasent de leurs bottes cirées
Les bourgeons des fines pousses
Se délectent des racines déchirées
Ignorent la douceur de la mousse

Ils courent en claudiquant vers leur fin
Pensant surpasser leurs pères par la vitesse
De leurs fenêtres s’exhale la puanteur du purin
Leurs pas ne portent de leur esprit que la trace de l’étroitesse

Ô sagesse des ancêtres
Qui avez vu la fin du monde tant d’hivers et d’étés
Les yeux étonnés de tant de vanité
Emportant les morts dans sa course immonde,

Que ne revenez-vous
Nous conter vos récits lointains
Plus puissants que les mensonges du Tout-
Manipulé par les prêcheurs de fin?

Vous nous direz la saveur du pain noir,
Le cri de l’enfant naissant, plus fort que celui des bombes,
La tristesse des mères veillant chaque soir,
La pensée des jeunes refusant de l’avenir la tombe,

Vous leur direz combien vous avez donné votre vie
Travaillant sans plainte ni relâche
Pour que l’espérance garde son envie
Le blé ses graines que rien n’arrache.

Pendant qu’ils prêchent la fin du monde ici ou ailleurs
Vous demeurez muets dans leur coeur
Sans racines, noms oubliés,
Errant parmi les vivants, des fantômes du passé.

Armés de contes tronqués, ils n’ont pas d’histoire,
Ont laissé leur conscience être balayée,
Egrainent les calendriers pour ne voir
Que ce qui, absurde, ne peut qu’être relayé

Pendant que de guerre lasse la mauvaise herbe colonise
La tombe de leurs parents de ses bras insouciants
Ceux qui n’ont de crainte que la fin du monde ironisent
Et s’enfoncent dans les tranchées de l’emprise en riant.

Lorsque l’enfant était enfant…

Poème de Peter Handke pour Les Ailes du Désir, Wim Wenders, 1987

Lorsque l’enfant était enfant
Il marchait les bras ballants
Il voulait que le ruisseau soit rivière
Et la rivière, fleuve,
Que cette flaque soit la mer.

Lorsque l’enfant était enfant
Il ne savait pas qu’il était enfant
Tout pour lui avait une âme
Et toutes les âmes étaient une.

Lorsque l’enfant était enfant
Il n’avait d’opinion sur rien
Il n’avait pas d’habitude
Il s’asseyait souvent en tailleur,
Démarrait en courant,
Avait une mèche rebelle
Et ne faisait pas de mimes quand on le photographiait.

Lorsque l’enfant était enfant, ce fut le temps des questions suivantes:
Pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi pas là?
Quand commence le temps et où finit l’espace?
La vie sous le soleil n’est pas qu’un rêve?
Ce que je vois, entend et sens, n’est-ce pas simplement l’apparence d’un monde devant le monde?
Le mal existe-t-il vraiment avec des gens qui sont vraiment mauvais?
Comment se fait-il que moi qui suis moi, avant de le devenir je ne l’étais pas, et qu’un jour moi qui suis moi, je ne serai plus ce moi que je suis?

Lorsque l’enfant était enfant
Les pommes et le pain suffisaient à le nourrir
Et il en est toujours ainsi.
Lorsque l’enfant était enfant
Les baies tombaient dans sa main
Comme seules tombent les baies.
Les noix fraîches lui irritaient la langue
Et c’est toujours ainsi.

Sur chaque montagne, il avait le désir d’une montagne encore plus haute
Et dans chaque ville, le désir d’une ville plus grande encore
Et il en est toujours ainsi.
Dans l’arbre, il tendait les bras vers les cerises, exalté
Comme aujourd’hui encore,
Était intimidé par les inconnus et il l’est toujours.
Il attendait la première neige et il l’attend toujours.

Lorsque l’enfant était enfant
Il a lancé un bâton contre un arbre
Comme une lance
Et elle y vibre toujours.

Journée des Droits de l’Enfant

En 1998, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre, dans Bulles, publication de l’UNADFI, paraissait un portrait édifiant de la réalité des droits de l’enfant au sein des sectes, réalité toujours d’actualité dans des contextes différents, comment les sectes portent-elles atteintes aux Droits de l’Enfant?
http://ns4005993.ip-192-99-13.net/enfant11.htm

En 2014, seize
ans plus tard, nous célébrons les vingt-cinq ans de la Convention des Droits de l’Enfant, adoptée le 20 novembre 1989, http://www.humanium.org/fr/convention/texte-integral-convention-internationale-relative-droits-enfant-1989/
Toutefois, la situation des enfants, cibles privilégiées des sectes, réduits au silence et à l’esclavage physique, psychologique, affectif et spirituel, demeure méconnue et taboue.

Je regarde mon fils grandir, toujours aussi étonnée des différences, des plus simples au plus complexes, qui existent entre l’éducation qui a été la mienne, hors du monde, et celle que, malgré mon manque de repères et les traumatismes psychologiques et physiques qui auraient du ne jamais me permettre de devenir parent à mon tour, je m’efforce de lui donner, dans le monde.
Il m’apprend ce que vivre dans le monde signifie.
Enfant de Jéhovah, j’ai appris que Jéhovah était plus important que Tout, que je devais lui consacrer ma vie. À six ans, je proclamais que j’étais prête à mourir pour lui et, le cas échéant, à refuser toute transfusion sanguine. Au même âge, mon fils me demande ce que c’est que d’être mort avec une innocence déconcertante.
À six ans, j’étais terrorisée par Satan censé gouverner le monde et craignais en faisant la moindre bêtise, d’être détruite. Au même âge, mon fils a peur d’être puni et de ne pas pouvoir regarder son dessin animé préféré.
À six ans, je croyais que la vie ici-bas ne valait rien et qu’ Harmaguédon détruirait bientôt les méchants. Je vivais dans l’attente de la fin du monde et l’espérance du Paradis promis.
Au même âge, mon fils se croit immortel et que le Père Noël va bientôt lui apporter de merveilleux cadeaux comme chaque année. Il sait que personne n’est parfait et que tout le monde a le droit au respect et à une vie décente ici-bas.
À six ans, j’apprenais à tendre l’autre joue, à supporter la persécution inévitable, les privations et les humiliations. Mon corps était un ennemi que je devais contrôler par la prière, l’étude et la prédication. Au même âge, mon fils apprend que toute vie est précieuse. Il apprend également le judo, la voie de la souplesse.
À six ans, je devais éviter de fréquenter mes camarades de classe et priais pour qu’ils connaissent la Vérité et soient sauvés même ceux qui se moquaient de moi. J’apprenais que l’école appartenait à ce système de choses, gouverné par Satan, dont la fin avait commencé en 1914 et que nous étions les soldats de Jéhovah dans cette guerre théocratique qui s’achèverait par la fin du monde mauvais comprenant tous ceux qui ont rejeté Jéhovah. Au même âge, mon fils aime aller à l’école, jouer avec ses copains et se demande qui inviter à son prochain anniversaire.
À six ans, je faisais partie d’une grande famille dont chaque membre doit penser, parler, ressentir et agir de la même façon. Ma vie était tracée, je n’avais d’autre choix que de devenir témoin de Jéhovah, d’épouser dès la majorité un témoin de Jéhovah et de faire des enfants témoins de Jéhovah, obéissant à Jéhovah. Au même âge, mon fils joue et apprend à être un élève comme un autre, il n’est pas vraiment obéissant, notre famille est loin d’être parfaite mais il sait qu’il est unique, qu’il est libre et que sa vie lui appartient.
Enfant je n’avais aucun droit ni même celui de vivre, à part pour Jéhovah. L’enfance est impossible dans cette organisation qui utilise les enfants comme faire-valoir, boucs-émissaires et serviteurs dans la prédication, incapable de les protéger et de les élever dans le vrai sens du terme.

Foi sans conscience n’est que ruine de l’âme

Ne m’est-il jamais arrivé de penser y retourner? Face aux difficultés, à l’incompréhension et l’absence de véritable soutien possible dans le « monde ». Face à ce chaos intérieur qui persiste même longtemps après en être sortie. Y retourner, non pas par croyance aveugle mais par une sorte de résignation, peut-être tout aussi aveugle, peut-être trop humaine, à la fois lucide et lâche, loyale et faible. Comme si l’on ne pouvait jamais en sortir tout à fait. Comme si lutter contre ce qui nous a façonnés, construits et, finalement, créés, tout reprendre à zéro, sans relâche, était chose vaine et peine perdue, qu’à tout prendre la folie de la Tour ne serait peut-être pas pire que n’importe quelle autre folie de toutes celles qui règnent en maître sous quelque latitude que ce soit. Le sentiment de la justice ne pouvant suffire, car étant tout aussi complice des misères collatérales et quotidiennes qui n’étonnent même plus personne tout occupé à satisfaire des besoins toujours plus superficiels.

Ainsi va la culpabilité en se nourrissant d’elle-même.
Ajouter la vulnérabilité objective et la manipulation opportuniste et se referme le piège élaboré du sacrifice pour une cause supérieure à sa propre humanité.
Il n’existe pourtant pas de cause supérieure à celle de la vie.
Gageons que toute vie en vaut la peine, y compris la sienne, la seule qu’on a, et toute épreuve est une leçon à apprendre jusqu’au bout!
Jurons de vivre!

Pär Lagerkvist – Je voulais savoir (1953)

BEAUTY WILL SAVE THE WORLD

Pär LagerkvistJe voulais savoir
mais ne pus qu’interroger,
je voulais la lumière
mais ne pus que brûler.
Je demandais l’inexprimable
et ne pus que vivre.

Je me plaignis.
Mais personne ne me comprit.

*

I wanted to know
But was only allowed to ask,
I wanted light
But was only allowed to burn.
I demanded the ineffable
But was only allowed to live.

I complained,
But nobody understood what I meant.

*

Jag ville veta
men fick bara fråga,
jag vill ljus
men fick bara brinna.
Jag begärde det oerhörda
och fick bara leva.

Jag beklagade mig.
Men ingen förstod vad jag mente.

***

Pär Lagerkvist (Växjö, Suède 1891–1974)Pays du soir (Aftonland, 1953) – Traduit du suédois par Gunilla de Ribaucourt – Translated by W.H. Auden & Leif Sjöberg

Voir l’article original

Me Irwin Zalkin, avocat ayant fait condamner la Watchtower

Declaration by Irwin Zalkin, Jose Lopez’s lawyer about the condemnation of the Watchtower Society

Victime d’un témoin de Jéhovah pédophile récidiviste qui n’a jamais été excommunié, a même été un temps ancien alors que les abus étaient connus, et qui est actuellement en fuite au Mexique dans une autre congrégation, Jose Lopez a finalement obtenu reconnaissance par la justice de l’État des abus subis y compris par la « conduite irresponsable et répréhensible » de la Watchtower Bible and Tract Society qui a permis que les abus sexuels perdurent faisant de nombreuses autres victimes.

Les dirigeants de la Watchtower ont refusé de se soumettre aux ordonnances de la Cour de Justice, refusant de comparaître et de fournir les documents demandés

L’avocat de Jose Lopez, Irwin Zalkin, spécialiste dans la défense des victimes d’abus impliquant des responsables religieux, souligne l’absence totale de considération que son client a reçu durant toutes ces années où il a été contraint de se taire. Il met l’accent sur l’importance d’une telle condamnation historique qui montre au monde la véritable nature et le fonctionnement inique et dangereux de la Watchtower dirigée par le Collège Central.

Roberto Juarroz – S’effacer… (1987)

BEAUTY WILL SAVE THE WORLD

Roberto JuarrozS’effacer,
s’abstenir,
sous n’importe quel climat.

Vivre les nuits comme des sortilèges
et rester en marge,
sans même les prononcer.

Dévier légèrement l’éternité
et se tenir là en suspens,
comme un insecte dans une fissure.

Ce n’est qu’ainsi,
abandonnant parfois temporairement la vie,
qu’on peut continuer de vivre.

***

Hacerse a un lado,
abstenerse,
no importa en qué clima.

Sumar las noches como ensalmos
y quedarse al margen,
sin pronunciarlos siquiera.

Desviar la eternidad levemente
y permanecer allí en suspenso,
como un insecto en una grieta.

Sólo así,
abandonando a veces temporariamente la vida,
es posible seguir viviéndola.

***

Roberto Juarroz (Coronel Dorrego, Argentine 1925-1995)Neuvième poésie verticale (Novena poesía vertical, 1987)

Voir l’article original

Victoire pour la justice et condamnation de la Watchtower

Mercredi 29 octobre 2014, le tribunal de San Diego s’est prononcé contre « la conduite irresponsable et répréhensible » de la Watchtower Bible and Tract Society, la condamnant à verser 13,5 millions de dollars aux victimes du pédophile précédemment condamné et en fuite.
http://www.nbcsandiego.com/news/local/135M-Awarded-to-Bible-Teacher-Gonzalo-Campos-Alleged-Abuse-Victim-Jose-Lopez-281031832.html

Pendant des années, les dirigeants et responsables de l’organisation des Témoins de Jéhovah, ont couvert ses abus, lui permettant d’occuper la fonction d’ancien, responsable de congrégation, alors qu’ils avaient connaissance depuis des années des abus sexuels qu’il avait fait subir à plusieurs enfants (de 1982 à 1995, il était promu « ancien » en 1993).
Gerrit Losch, membre le plus ancien, responsable au moment des faits, du Collège Central, organe de direction de la Watchtower, a refusé de comparaître, ne se présentant pas aux audiences, ce qui explique, en grande partie, le montant des dédommagements que les témoins de Jéhovah auront à payer.

Le principal plaignant, Jose Lopez, a aujourd’hui 35 ans. Son avocat, Irwin Zalkin, du Cabinet Zalkin, spécialiste dans la défense des intérêts des victimes d’abus sexuels impliquant des responsables religieux, souligne les séquelles des violences subies et des conséquences pour lui en tant qu’enfant de témoins de Jéhovah. Il s’est dissocié de l’organisation, et, avec ses proches, s’est battu pendant près de vingt ans pour obtenir justice et réparations.

« Les chefs d’accusation sont comparables aux scandales d’abus sexuels au sein de l’Église catholique, mise à part une différence majeur: nous avons du batailler ferme contre l’Église catholique à l’échelle nationale… Mais, à un certain niveau, ils ont reconnu qu’ils avaient commis des erreurs, qu’il y avait un problème, souligne Zalkin dont le Cabinet a négocié pour plus de 200 millions de dollars dans des affaires d’abus sexuels impliquant l’Église catholique. « Au moins, ils ont fait un Mea Culpa. »
Contrairement aux Témoins de Jéhovah, affirme-t-il.
« Ces gens ne font que nier et nier, ils sont belliqueux, ils sont arrogants et ils traitent les victimes comme des adversaires. Cette organisation n’est pas prête à reconnaître la réalité de ce qu’ils ont fait. »
Mais la justice l’a fait, pour la deuxième fois depuis Candice Conti, et la Watchtower, qui va faire appel, fait actuellement l’objet d’autres plaintes qui, dans ce contexte, pourraient aboutir plus rapidement, révélant au monde païen et témoin le véritable fonctionnement de cette organisation multimilliardaire.

Voir également http://tousensembleunis.e-monsite.com
http://www.watchtowerlies.com