La personne sous emprise n’est plus maîtresse de ses pensées. Elle est littéralement envahie par le psychisme de celui/celle/ceux qui la maintien-nen-t sous emprise. Elle n’a plus d’espace mental à elle. Elle est paralysée. Aucun changement ne peut se faire spontanément de l’intérieur. Il faut une aide extérieure pour mettre fin à l’emprise. C’est ce à quoi sert le travail psychothérapeutique, et de façon peut-être moins professionnelle mais tout de même importante, l’écoute et le soutien bénévole d’aide aux victimes.
L’aide (écoute et soutien) devra permettre à la victime de se dégager de cette relation aliénante, afin de retrouver son existence propre. On ne peut pas l’aider si on ne prend pas en compte qu’elle est sous influence et que ce processus reste longtemps actif. Les paroles de l’agresseur ont été intériorisées et continuent à s’opposer au travail de libération.
Trop souvent, dans les prises en charges de personnes victimes de violences, on tend à les infantiliser en leur disant, par exemple, « il faut que vous compreniez que votre situation est inacceptable ! » Bien sûr qu’elles le savent que c’est inacceptable, mais elles n’ont pas, seules, les moyens de s’en sortir.
Plusieurs sortes de psychothérapies peuvent être proposées, mais il faut préférer l’écoute active réellement bienveillante à l’attention flottante et à une neutralité plus froide. Lorsqu’une victime se présente angoissée, mutique, craintive, la tête vide, on ne peut se contenter de l’écouter silencieusement.
Il faut l’aider à verbaliser, à comprendre son expérience et l’amener ensuite à critiquer cette expérience. La meilleure façon de se protéger, c’est de comprendre.
L’aide n’est pas aisée et est souvent ponctuée de ruptures. La règle générale est donc la patience. Il faut respecter le rythme de la personne. Entre le début de la prise en charge et la fin de la maltraitance, des mois voire des années peuvent être nécessaires. Il faut lui donner du temps pour changer sa grille de lecture, de façon à ce qui paraissait normal ou banal devienne inadmissible. Il faut une infinie patience à l’aidant qui ne doit pas céder à la tentation de « secouer » la personne en souffrance.
Au cours d’une prise en charge de ce type, on assiste à de nombreux retours en arrière, et il faut bien se garder de juger la situation avec sa propre grille « Moi à sa place, je serais partie », même si la situation paraît très choquante ou très dangereuse. Il peut se faire qu’après une tentative de sortie, le retour dans la secte entraîne une aggravation de la violence, voire une mise en danger.
Si on est trop actif, si on veut trop de changement à la place de l’autre, sans respecter son rythme, on risque fort de le voir interrompre la psychothérapie/la relation d’aide définitivement.
Il est important de respecter certaines étapes.
1- REPERER LA VIOLENCE
La première étape consiste à faire admettre qu’il s’agit de violence. Beaucoup de victimes n’imaginent pas que ce qu’elles subissent est de la violence. Il faut leur donner les moyens de décoder la violence psychologique et de repérer les comportements abusifs, afin de mobiliser leurs ressources.
Pour permettre à une personne de se dégager de l’emprise, il faut d’abord l’amener à comprendre comment elle a été piégée. On va analyser avec elle les procédés de violence indirecte utilisés contre elle. Ce n’est pas facile, car le discours élaboré et argumenté de l’agresseur les masque généralement. Quand celui-ci se défend en accusant l’autre, la personne a la tentation de se justifier, ce qu’il ne faut pas faire face à un pervers narcissique, car il utilisera tout ce qu’elle lui dira pour le retourner contre elle. Comme dans des sables mouvants, plus la victime se débat, plus elle s’enfonce.
Les victimes qui ont perdu leurs limites, ont du mal à reconnaître que ce qu’elles ont subi est malveillant ou humiliant. Cette simple question « Est ce que ça vous paraît normal ? » peut les conduire à s’interroger sur la portée d’un acte. On peut aussi ajouter « Si vous faisiez la même chose, comment l’autre réagirait-il ? »
2- NOMMER LA VIOLENCE
L’aidant doit prendre position et dire clairement que ces agissements sont anormaux. Trop souvent, ils se retranchent derrière une neutralité qui ressemble à de l’indifférence. Ils se méfient de la dramatisation hystérique et craignent la manipulation.
Pourtant, au travers des dires des victimes, on peut repérer les distorsions de la communication et nommer ce qui est agressif. Pour lui permettre de sortir du blocage émotionnel, il ne doit pas nier la maltraitance.
Ce travail doit aider la victime à reconnaître ses émotions, jusque-là censurées, comme la colère, le désir de vengeance et aussi la honte et la culpabilité.
3- DECULPABILISER LA PERSONNE
Habituellement on cherche à rendre la personne plus responsable de son destin. Ici, le processus doit être inverse. Ces personnes qui portent seules toute la culpabilité, de l’échec de la relation puis de la violence, devront se déprendre de cette culpabilité.
Il faut donc expliquer à la personne que, si elle ne réagissait pas, c’était parce qu’elle était sous influence, lui faire comprendre que l’état d’impuissance dans lequel elle se trouve n’est pas pathologique, mais résulte d’un processus dont on peut comprendre les rouages tant au plan social que relationnel.
L’étape suivante consiste, pour la victime, à parvenir à formuler que le comportement de son agresseur n’est pas acceptable. Elle doit lui faire porter la responsabilité de ses actes. Quand on a expliqué ce processus, il arrive que ces personnes trouvent alors leurs propres solutions. C’est ainsi que certaines comprennent alors que ce n’est pas leur comportement qui a provoqué la violence de l’autre, mais sa souffrance à lui.
4- RENFORCER LE NARCISSISME
Après la sortie, les victimes, prenant conscience qu’elles ont été abusées et manipulées, présentent souvent un état anxio-dépressif lié à la perte de leurs illusions. Elles décrivent alors un sentiment de vacuité et d’inutilité.
Elles s’interrogent « Comment il(elle) ne reconnaît pas ce qui s’est passe et continue à dire que je suis mauvais(e), je garderai toujours un doute sur la réalité de ce qui s’est passé ! ». Il faut donc travailler avec ces personnes sur leur estime d’elles-mêmes et sur leur capacité d’autonomie, afin qu’elles puissent sortir de leur inhibition et retrouver toutes leurs ressources personnelles. On listera avec elle leurs points positifs, leurs réussites. Lorsque ce chemin a été accompli, c’est comme si ces personnes se réappropriaient leur corps.
Pour sortir d’une position de victime, il faut un travail psychique, retrouver une bonne image de soi.
Les humiliations laissent des traces qui ne s’effacent pas, mais qui peuvent se surmonter, si on parvient à accepter son histoire.
5- APPRENDRE A POSER DES LIMITES
Il faudra, ensuite, apprendre à la personne à poser des limites, à refuser une situation qui ne lui convient pas, afin de sortir de la confusion et protéger son intimité des intrusions extérieures. On constate d’ailleurs que, quand elle a fermement indiqué ses limites, l’autre sent qu’il ne peut pas aller au-delà. Mais il faut rester vigilant car il essaiera à nouveau de les enfreindre.
Les changements sont perceptibles. Un jour, la parole est plus ferme, les contours de la personne sont mieux dessinés, le geste plus assuré. La personne raconte comment elle arrive à ne pas céder. C’est le moment où elle est capable d’être en colère devant un comportement aberrant. Cette colère n’est pas l’expression d’une panique, mais de la fermeté ; c’est cela qui lui permettra dorénavant de se défendre.
Dire « je ne veux pas » permet de reprendre le pouvoir. Il importe d’être maître de son choix.
Trop souvent, dans une situation de violences, les personnes ne se posent pas la bonne question « Est ce que je l’aime assez pour supporter cela ? », alors qu’elles devraient se demander « Est-ce que c’est bon pour moi d’être avec lui ou elle ? » On peut aimer quelqu’un et reconnaître que cette relation est destructrice.
6- RECUPERER UNE CAPACITE CRITIQUE
En analysant les comportements et le fonctionnement de la secte destructrice, la personne découvre que ceux-ci sont là pour masquer ses faiblesses. Tout à coup, il ou elle ne correspond plus à l’image idéale donnée, n’est plus tout(e)-puissant(e). Ce ne sont que des humains avec leurs vulnérabilités. En récupérant une capacité critique, la personne victime rétablit une symétrie.
L’emprise cesse quand la victime réalise que, si elle ne cède pas, l’autre n’a aucun pouvoir.
(d’après l’ouvrage de la psychiatre Marie-France Hirigoyen « Femmes sous emprise », Editions Oh ! )
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